Ce témoignage va t-il relancer le volet français de l’affaire Epstein ?
Juliette Bryant est une sud-africaine de 40 ans avec une courte carrière de modèle. Elle avait tout juste vingt ans quand elle a croisé le chemin de Jeffrey Epstein au Cap en septembre 2002. Il était de la tournée africaine « humanitaire » de l’ancien président américain Bill Clinton.
Le mercredi 25 septembre 2002, Bill Clinton délivrait un discours sur le Sida dans une université du Cap fréquentée par des étudiants d’origines modestes. Pour cette tournée de cinq pays en cinq jours (Ghana, Nigeria, Rwanda , Mozambique et donc Afrique du Sud), il avait apporté Kevin Spacey et Chris Tucker dans ses valises. Juliette Bryant, étudiante en psychologie, est sortie le 24 septembre 2002 au soir. Les soirées du bar-restaurant Asoka, rue Kloof, étaient connues pour ses « Model nights ». Assez vite, une jeune Africaine-Américaine s’approche de Juliette et ses amies. Elle se dit importunée par un homme. Les étudiantes se veulent solidaires, mais l’histoire est fausse… L’importun n’existe pas. La jolie jeune femme s’appelle Naja Hill. Elle fera carrière à la télé… Naja demande alors à Juliette si elle est une modèle… Juliette répond qu’elle a en effet fait quelques shootings. L’Américaine s’enthousiasme. Elle dit qu’elle connaît bien le milieu, elle évoque Jeffrey Epstein, qu’elle surnomme le « King of America ». Naja Hill précise qu’Epstein possède une île personnelle dans les Caraïbes, et qu’il est de passage au Cap, justement, avec Bill Clinton, Kevin Spacey et Chris Tucker !1 2
Quelques instants plus tard, après un trajet de 5-10 minutes en voiture, Juliette est présentée à la bande de puissants. Epstein appréciant le physique de la proie qui lui est présentée, le cauchemar de Juliette Bryant va bientôt commencer. Le lendemain, elle est invitée à écouter le speech de Bill Clinton sur le sida. Kevin Spacey, étrangement, filmait les étudiants jusque dans les couloirs. Enfin, les Américains s’en vont, et aussitôt les démarches pour arranger le visa de Juliette se mettent en branle. Le calvaire de la Sud-Africaine démarre quelques semaines plus tard à son arrivée en Amérique. Il est raconté un peu plus en détails dans la presse anglophone.
Pour aller très vite, Juliette est devenue une des nombreuses esclaves sexuelles d’Epstein, qui se vantait de travailler pour la CIA et menaçait les récalcitrantes de représailles. Il disait pouvoir s’en prendre aux familles des filles, et racontait en avoir envoyée une en prison en montant une affaire de trafic de drogue. Epstein avait un tout petit sexe mais une libido extrême. Il fallait y passer trois fois par jour. Il aimait qu’on lui pince fort les tétons, et s’acharnait à provoquer l’orgasme de ses victimes avec des objets sexuels dédiés. Les propos de Juliette Bruant sont corroborés par bien d’autres. Juliette Bryant est une victime reconnue, elle a été indemnisée avec 9 autres victimes au titre du Epstein Victims’ Compensation Program3.
Si elle a été interrogée par de nombreux médias anglophones mainstream, Juliette regrette la parution de propos souvent vidés des noms des amis d’Epstein. Seul l’article de Kate Briquelet dans The Daily Beast trouve grâce à ses yeux.
Jeffrey Epstein, la France et quelques Français
Nous en dirons davantage sur la vie de Juliette dans un prochain article. Venons en maintenant au volet français. Zoé Sagan (pseudo de l’ancien publicitaire Aurélien Poirson-Atlan) en a révélé une partie, dans son exercice habituel d’info-fiction. Le premier post de la star de X (ex-Twitter) a atteint 1.4 million de vus et a été traduit dans plusieurs langues. Le second a touché un peu plus de 500 000 à ce jour. Je ne sais pas quel est le pourcentage de lecteurs qui savent lire entre les lignes, ou prennent le temps de soupeser chaque phrase pour en évaluer la crédibilité. En l’occurrence ici, à ma connaissance, tout est vrai dans le premier post.
Etonnement, aucun journaliste français n’a depuis vérifié les infos. Juliette Bryant n’est pourtant pas difficile à trouver.
Une partie du public éclairé se souvient des deux ou trois filles de 12 ans semble t-il livrées de France pour fêter en Floride l’anniversaire de Jeffrey Epstein, ancien prof de maths devenu milliardaire avec l’aide des services secrets.
L’information avait fait grand bruit à l’été 2019, allant jusqu’à susciter la réaction du ministre de la protection de l’enfance Aurélien Taquet et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations, l’iconique Marlène Schiappa. Ils avaient demandé la nomination d’un juge d’instruction, avant d’être recadrés par la Garde des Sceaux Nicole Belloubet, qui, dans son rôle, affirmait : « Les poursuites ne sont pas des décisions du gouvernement ». Le Parquet de Paris annonçait ensuite ouvrir une enquête le 23 août 2019, treize jours après la mort d’Epstein. Par la suite, les témoignages de Thysia Huisman et Virginia Giuffre ont permis de maintenir quelque peu en éveil les médias français. Elles accusaient de viol Jean-Luc Brunel, un des principaux pourvoyeur du réseau, qui fut finalement arrêté en décembre 2020, alors qu’il allait s’envoler pour Dakar. Aussitôt incarcéré, il s’est suicidé en prison quatorze mois plus tard, sans procès donc. Rien n’a filtré depuis sur l’enquête de la justice française4.
Pourtant, des amis, des contacts ou des laquais en France, Jeffrey Epstein en avait beaucoup. J’y reviendrai peut-être une autre fois. Pour l’heure, je vous laisse chercher du côté des carnets de vol du Lolita Express, et des carnets noirs (celui de 2002, mais aussi celui des années 1990, souvent oublié).
Jeffrey Epstein était très régulièrement à Paris où il acquis un hôtel particulier en 2001, dans un angle de rue comprenant le 22 avenue Foch et les 1 et 1 bis rue Chalgrin5.
Epstein a aussi été vu quelques fois à Saint-Tropez. Notamment avec sa complice la maquerelle française Ghislaine Maxwell en mai 2001. Une photo d’eux devant l’office de tourisme a été partagé abondamment.
La fête d’anniversaire des 31 ans de Naomi Campbell avait aussi interrogé.
La journaliste franco-israélo-étatsunienne Laurence Haim avait également révélé une information peu reprise. Il faut croire que le trafic d’êtres humains intéresse peu. A Saint-Tropez, Jeffrey Epstein aurait offert une mineure à un businessman français.
Tout cela a déjà donné lieux à quelques articulets dans la « grande presse ». Intéressons-nous maintenant à des noms moins connus : deux françaises que Juliette Bryant a croisé, notamment à Paris, en février 2002.
Magali Blachon
Le nom de Magali Blachon (écrit Magalee ou Magale Blachou) apparaît vingt fois en 2002-2003 dans les carnets de vol du Lolita Express. Son nom est aussi dans le carnet noir de 2002, avec même le numéro de téléphone de ses parents ! Elle est ici en photos capturée dans le ranch d’Epstein du New Mexico…
Jeune entrepreneuse, elle s’est enregistrée une première fois à Foix en 2002. L’information, découverte cet été par un ami enquêteur, est désormais protégée sur les principaux annuaires d’entreprises. Mais nous avions fait des captures d’écran.